Un communiqué de presse du sénateur de l'Isère Guillaume Gontard à propos de pratiques salariales visiblement illégales du groupe La Poste, à Grenoble et ailleurs en France. 7 mars 2024.

Des pratiques salariales illégales à la Poste ?

Va-t-on vers une uberisation du métier de facteur ? Alors que la Poste ne cesse de mettre en avant de nouveaux services, il semble qu’elle “innove” également en matière salariale. Au lieu d’accorder un statut protecteur à ses employés, le groupe La Poste recourt désormais largement à des intérimaires, des sous-traitants ou des CDI en contrats GEL (groupement d’employeur logistique). Autant de statuts différents qui empêchent les travailleurs de lutter ensemble pour leurs droits.

Or, le code du travail semble particulièrement malmené chez les postiers. Le 27 décembre dernier, en plein milieu des fêtes, un facteur grenoblois a été licencié par SMS, sans motif, la veille pour le lendemain ! Un cas qui n’est pas isolé et qui concerne plusieurs facteurs au statut précaire ayant osé faire grève durant la réforme des retraites. Le droit de grève est pourtant constitutionnel.

La Poste semble aussi contourner la loi grâce aux fameux contrats GEL. Imaginés initialement pour les associations aux faibles moyens souhaitant se regrouper pour employer en commun un salarié, ce système est aujourd’hui devenu courant dans le secteur logistique, chez Amazon, IKEA, Mondial Relay, Carrefour ou encore La Poste. Or, il ne garantit pas les mêmes avantages que le statut de facteur : paie plus faible, non-éligibilité aux primes et aux formations, obligation de mobilité… 

Cerise sur le gâteau, il semble qu’une entreprise privée, nommée D2L, réalise des bénéfices en vendant des prestations à l’association loi 1901 GEL Gebara, qui embauche les facteurs dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est. Une pratique également interdite !

Alors que ce type d’emploi est normalement autorisé uniquement pour des besoins très ponctuels de main-d’œuvre, la Poste l’a érigé en système. Pour un groupe bénéficiaire percevant 500 millions d’euros de subventions par an et propriété de l’Etat et de la Caisse des Dépôts et Consignations, ces pratiques de contournement de la loi dignes du capitalisme le plus débridé sont inacceptables.

Alerté par le syndicat Sud-PTT, j’ai donc interpellé ce jeudi 7 mars le gouvernement sur ces pratiques constatées à Grenoble, mais aussi ailleurs en France. La ministre s’est contenté de rappeler la loi - qui est justement violée - et d’en appeler à saisir les prud’hommes. Or, si une action judiciaire se prépare, l’Etat ne peut rester attentiste sur ce sujet. Je continuerai donc à interpeller aussi souvent que possible la Poste et l’Etat pour que cessent ces pratiques.

Guillaume GONTARD


Communiqué de presse - 1er janvier 2024

Licenciement des intérimaires grévistes contre la réforme des retraites : La Poste licencie un facteur intérimaire pendant les fêtes de fin d’année.

Depuis mercredi 27 décembre, la direction de La Poste Grenoble tente de se débarrasser d’un facteur intérimaire ayant participé à la grève reconductible contre la réforme des retraites et pour l’embauche des précaires à la poste Chavant.

Annoncée la veille pour le lendemain en pleine période de fêtes, la décision de mettre fin à la mission du collègue s’inscrit dans la continuité d’une série de mesures discriminantes à l’encontre des facteurs et factrices grévistes.

Depuis des mois, la direction de La Poste Grenoble n'a cessé de réprimer les collègues ayant participé à la grève reconductible à partir du 22 mars dernier. Les missions de l’ensemble des salariés précaires grévistes ont ainsi été interrompues. Systématiquement annoncées par texto, sans motif et à quelques jours seulement de l’échéance, ces interruptions de mission visant les grévistes se sont accompagnées de nouvelles embauches en contrat précaire ou CDI pour les non-grévistes.

Les mesures répressives à l’encontre des grévistes restent rejetées par l’ensemble des collègues. En atteste une pétition signée par plus de 40 collègues en novembre et demandant aux directions d’établissement, départementale et régionale de reconsidérer leur décision de mettre dehors un autre collègue gréviste reconnu pour la qualité de son travail.

Dernier précaire gréviste encore en poste, le facteur intérimaire occupe un mandat de conseiller du salarié. Son employeur - le groupement GE LOG GEBARA, membre du groupe D2L - ainsi que La Poste - avec qui il est en mission - avait l’obligation de soumettre sa fin de mission à autorisation de l’inspection du travail. Les directions de La Poste Grenoble et celle du groupement ont donc choisi de passer en force, se jugeant compétentes pour décider du champ d’application de la protection du salarié. L’inspection du travail a donc été saisie par le syndicat.

Cette politique qui consiste à cibler et réprimer les grévistes doit cesser. SUD appuiera les postières et postiers qui souhaitent se mobiliser !

Contact presse François Marchive : 06 08 71 53 61

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Place GRE'NET consacre un article sur le sujet :

 

https://www.placegrenet.fr/2024/01/03/grenoble-sud-ptt-accuse-la-poste-davoir-congedie-tous-les-facteurs-precaires-ayant-fait-greve/621298

04/01/2024 10:02 La Poste Grenoble accusée de congédier un facteur gréviste
Manuel Pavard 3 janvier 2024


DÉCRYPTAGE – Sud PTT Isère-Savoie accuse La Poste Grenoble d’avoir mis, le 27 décembre 2023, à la mission d’un facteur intérimaire du bureau de poste Chavant. Comme d’autres salariés précaires avant lui, celui-ci aurait été congédié, selon le syndicat, après avoir participé à la grève reconductible du printemps 2023. Dénonçant le recours de la direction à des contrats Gel très défavorables ainsi que des mesures de rétorsion à l’encontre des grévistes, Sud PTT a saisi l’inspection du travail.


La décision lui a été «annoncée la veille pour le lendemain, en pleine période de fêtes », mercredi 27 décembre 2023, s’indigne Sud PTT Isère-Savoie. Dans un communiqué du lundi 1er janvier 2024, le syndicat dénonce le «licenciement » – qui est plus exactement l’interruption de mission d’un facteur intérimaire du bureau de poste Chavant par la direction de La Poste Grenoble.

Selon Sud PTT, La Poste a mis fin aux missions de tous les postiers précaires ayant participé à la grève reconductible au printemps 2023, le dernier ayant été écarté en décembre 2023. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Son tort supposé ? Avoir «participé à la grève reconductible contre la réforme des retraites et pour l’embauche des précaires à la poste Chavant », à partir du 22 mars 2023, affirme Sud PTT. Une fin de mission qui s’inscrit pour le syndicat «dans la continuité d’une série de mesures discriminantes à l’encontre des facteurs et factrices grévistes ».

Un contrat de mission « arrivé à échéance » selon La Poste

Depuis plusieurs mois, en effet, « La Poste Grenoble n’a cessé de [les] réprimer », mettant fin aux missions de « l’ensemble des salariés précaires grévistes », accuse Sud PTT. Des interruptions de mission « systématiquement annoncées par texto, sans motif et à quelques jours seulement de l’échéance », s’insurge-t-il. Et ce, alors que La Poste a réalisé en parallèle « de nouvelles embauches en contrat précaire ou CDI pour les non-grévistes ».

Image manquanteLes postiers avaient organisé des piquets de grève devant la poste Chavant mais aussi devant le siège de la direction de La Poste, comme le 20 avril 2023. © Joël Kermabon – Place Gre’net

De son côté, la direction de l’établissement courrier colis de Grenoble se justifie avec une réponse écrite laconique. Le salarié précité est « employé par un Groupement d’employeurs local (Gel) et non par La Poste », indique-t-elle. « En tout état de cause, le contrat de mission étant arrivé à échéance normale, le collaborateur n’est donc plus présent sur site. Pour autant, le contrat de travail qui le lie au Gel (son employeur) restait effectif au 1er janvier 2024. »

Un « scandale national » pour Sud PTT

C’est précisément là que le bât blesse pour François Marchive, délégué Sud PTT Isère-Savoie, qui évoque, au sujet des Groupements d’employeurs logis tique, un «scandale national ». De fait, La Poste a aujourd’hui recours à ces contrats Gel partout en France, notamment à Grenoble, comme l’avait décrit Le Postillon l’avait décrit Le Postillon, dans une enquête parue en 2019.
« C’est la trahison d’une idée qui était intéressante au départ », estime le syndicaliste. À l’origine, il s’agissait en effet de groupements d’employeurs dans une association loi 1901, destinés à « de petites structures – comme des petits agriculteurs ou associations – afin de sortir les gens de la précarité », explique-t-il. Ces salariés obtenaient un contrat de 35 heures dans une association et «travaillaient par exemple cinq heures dans une exploitation agricole, cinq heures dans une autre, etc ».

Problème : de grosses entreprises dont La Poste – mais aussi Ikea, Amazon ou Carrefour – «s’y sont engouffrées en s’alliant à un Gel », poursuit François Marchive. Ce qui pose, selon lui, deux questions. «Déjà, où est la nécessité pour La Poste ? », demande-t-il. «Ce sont des gens qui sont en mission à 35 heures par semaine. Il y a donc une première ambiguïté car des salariés en CDD ou en intérim ne peuvent, eux, pas remplacer un emploi permanent. »

Image manquanteSud PTT accuse La Poste de recruter majoritairement des salariés employés par un Groupement d’employeurs logistique (Gel), avec des conditions plus précaires et moins de droits sociaux. © Joël Kermabon – Place Gre’net

La Poste, qui ne peut pas embaucher d’intérimaires, d’après la loi, pour « un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise  », contournerait ainsi cette interdiction grâce au dispositif Gel, « complètement sorti de son cadre », selon le délégué Sud PTT.

« Montage » et « association écran »

Mais François Marchive mentionne aussi un «deuxième scandale ». Légalement en effet, une association loi 1901 n’a pas le droit de réaliser des bénéfices. D’où le «montage » créé par les intéressés avec, en Auvergne-Rhône-Alpes, GE Log Gebara (membre du groupe D2L), qui réunit deux entités distinctes. «Gebara est une association loi 1901 et GE Log une entreprise privée », précise le syndicaliste.

Officiellement, les facteurs intérimaires sont employés par Gebara, qui serait en réalité «une association écran créée artificiellement par GE Log ». François Marchive formule là une «hypothèse ». Car le fonctionnement des Gel est si complexe et opaque qu’il lui a fallu «travailler dessus pendant quatre ans » pour parvenir à le décrypter. «Les entreprises doivent missionner GE Log pour toute l’activité RH et celle-ci “pompe” Gebara comme ça », suppose-t-il.

Suspicion de délits de prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage

Le représentant Sud PTT souligne en outre que «les salariés des groupements d’employeurs doivent normalement avoir les mêmes services, primes et rémunérations que les postiers en CDI ». Dans le cas contraire, on serait en présence des «délits de “prêt illicite de main-d’œuvre” et de “marchandage” ».

Image manquantePour François Marchive de Sud PTT (2e en par tant de la gauche, aux côtés d’autres syndicalistes), le recours par La Poste aux contrats Gel est un « scandale national ». © Séverine Cattiaux- Place Gre’net

Or, tous les postiers ne sont «pas sur la même convention collective », constate François Marchive. Les salariés employés par La Poste relèvent ainsi de l’ancienne convention commune La Poste – France Télécom tandis que le personnel sous contrat Gel dépend de celle des entreprises de la logistique, «beaucoup moins avantageuse ».

Le délégué syndical lance donc un avertissement : «Si on réussit à prouver ces délits, on attaquera au pénal. » Une procédure qui viserait alors, «non pas la société, mais les personnes, en l’occurrence les directeurs » des bureaux de poste, ayant permis et cautionner ces pratiques, prévient-il.

La Poste dans le collimateur de l’inspection du travail

La Poste se retrouve quant à elle déjà dans le collimateur de l’inspection du travail, qui mène «une enquête générale » sur le recours quasi systématique à ces missions d’intérim déguisées, «sur tous les sites de l’agglomération », confie François Marchive. « Il y a des sites qui ne tournent qu’avec des contrats Gel, comme à Saint-Martin-d’Hères », ajoute-t-il.

Image manquanteLa Poste Grenoble est aujourd’hui dans le viseur de l’inspection du travail, tous les sites de l’agglomération, comme le bureau Chavant, fonctionnant avec de nombreux postiers sous contrat Gel. © Léa Raymond – Place Gre’net

Sud PTT Isère-Savoie a par ailleurs saisi l’inspection du travail sur le cas spécifique du facteur écarté en décembre. GE Log Gebara et La Poste avaient en effet, explique-t-il, «l’obligation de soumettre sa fin de mission à autorisation de l’inspection du travail ». Mais leurs directions respectives auraient choisi de «passer en force », au mépris des dispositions réglementaires, tance le syndicat.

François Marchive fustige d’ailleurs les propos de La Poste Grenoble faisant état d’une mission arrivée tout simplement à échéance. «Depuis des mois, il [NDLR : le facteur] demandait régulièrement si son contrat serait renouvelé », raconte-t-il. «La direction lui répondait à chaque fois qu’il n’y aurait pas de problème… Et finalement, on lui annonce ça au dernier moment ! »

La direction de La Poste Grenoble n’a pas souhaité commenter le recours systématique aux contrats Gel et les accusations de discrimination envers les postiers grévistes.

Auteur : Manuel Pavard

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